Dans la fabrique à inventeurs du microbiologiste afrocolombien Raul Cuero

Par: ANDREA LINARES GÓMEZ |

Cuero et ses pupilles, en une journée de travail au Parc de la Créativité de Manizales.

Photo: John Jairo Bonilla

A 21 ans,  Jennifer peut dire avec fierté qu'elle a créé un senseur pour détecter le pétrole, une invention qui a déjà été brevetée dans plusieurs pays. Cette étudiante en ingénieurie des systèmes a mis trois pour donner vie à une technologie qui révolutionnera la façon d'identifier la présence de cent barils de brut en Colombie et dans le monde.

En moins d'une minute, le senseur indique avec précision le chemin que doit suivre la tige de forage pour extraire l'hydrocarbure. Cette technologie, qu'elle a mis au point avec un autre jeune, est le fruit d'une recherche sur les composants du pétrole, qui permettent de le détecter facilement.

Jennifer fait partie d'un groupes de jeunes de moins de 25 ans qui se consacrent corps et âme à conceptualiser et à développer des inventions d'envergure mondiale, dans les Parcs de la Créativité du célèbre microbiologiste de Buenaventura, Raúl Cuero. Quatre laboratoires ont déjà été mis en marche par le scientifique en Colombie, aux États-Unis et en Israel.

Cuero, qui a été élu scientifique hispanophone de l'année par le Musée des Sciences et de l'Industrie de Tamba (Floride, É.U.), a toujours été obsédé par l'invention d'objets. Un jour de 194, il s'est fait à lui même une promesse : ne plus jamais présenter au monde des résultats scientifiques ayant peu d'impact social. Depuis lors, il a commencé à édifier sa carrière d'inventeur, avec une prémisse claire : servir et ne pas se sentir important.

“On est créatif quand on a le sentiment d'être utile. J'ai grandi avec ce sentiment et j'ai toujours cela en moi jusqu'à présent. C'est pour cette raison que je peux continuer à produire ”, affirme-t-il.

Et il veut à présent semer cette graine sur les jeunes colombiens qu'il recrute dans ses parcs de  Manizales et de Bucaramanga. “Il n y a pas de critères académiques exclusifs. Nous recrutons des inventeurs, pas des nerds”, insiste-t-il. Ce groupe se caractérise par sa persévérance, sa conviction, son auto-estime, sa passion et son stoicisme, car  “pour inventer, l'habileté cognitive ne suffit pas”, prévient Cuero. Dans la parc de Manizales, 11 inventions ont déjà été réalisées, dont 8 sont brevetées et 3 en train de l'être.

Leurs inventions

“Le pouvoir réside dans la création du savoir”. Tel est le message de bienvenue du Parc de Créativité de Manizales. En une bâtiment de deux étages, situé dans un bon secteur de la ville, 19 jeunes, accoutrés de blouses bleues, se meuvent comme des poissons dans l'eau dans les laboratoires d'analyse optique, de chimie analytique, de biologie moléculaire… Ils manient et tiennet Manejan y mantienen complejos equipos, aux noms presqu'imprononçables, qui les aident à élaborer et à créer leurs inventions.

Ils débarquent au parc suite à une invitation publique qui cible principalement les collégiens. Une fois choisis, ils prennent part à un camp au cours duquel ils se rapprochent du monde complexe mais passionnant des sciences.

Les élus travaillent sous l'encadrement de Cuero pour développer des paradigmes qui transforment la société, basés sur un concept ; la biologie intégrative, c'est-à-dire, la capacité d'appliquer de manière intégrée la biochimie, la biophysique et la biologie quantique au niveau atomique.

Le scientifique leur rend visite chaque mois et demi afin de faire murir leur sprojets, mais l'accompagnement est permanent par le biais d'appels, de couriers et de vidéoconférences . En plus quatre professionnels de différentes disciplines travaillent pour les conseiller au quotidien.

Certains sont présents à temps plein au parc, d'autres y viennent pendant leurs vacances ou durant leur temps libre.  “Pour moi, ce n'est pas un problème de venir les soirs et de rester jusqu'à 4 heures du matin un vendredi à travailler sur mon invention. Mon rêve c'est de contribuer au progrès du pays, et que d'autres jeunes comme moi aient cette opportunité”, indique Mariana, qui a 21 ans.

Avec Natalia, 24 ans et le docteur Cuero, elles ont investi trois ans pour la création d'une nouvelle méthode pour amplifier l'ADN –un processus très utile pour les diagnostics médicaux et pour les médecins légistes– sans recours à la chaleur qui altère parfois les échantillons.

Après avoir compris que ce matériel génétique est autonome, ils ont réussi à développer un processus d'amplification qui n'implique pas les hautes températures, requiert peu de réactifs et se fait en moins de 30 minutes. Avec la méthode traditionnelle, le processus dure deux heures et demi. Mais, le meilleur dans cette invention c'est qu'elle permet d'augmenter jusqu'à 20 fois plus les échantillons du matériel génétique.

“C'est une nouvelle compréhension de l'ADN. C'est ma première invention et elle est déjà brevetée. Je me sens fière d'avoir le docteur  Cuero comme mentor, car il nous apprend à persévérer et à être disciplinés, puisqu'on n'obtient pas toujours le résultat escompté ”, raconte Natalia, qui étudie également l'autonomie de l'ADN et et travaille sur le développement des antibiotiques ne générant aucune résistance.

“Élucider cette autonomie, cette capacité de s'autorepliquer, permettrrait de connaitre l'origine des maladies comme le cancer –explique Cuero–. Nous avons isolé la protéine de l'alzheimer et nous sommes en train de fabriquer la molécule qui pourrait la neutraliser, en travaillant avec l' ADN”.

Science appliquée à la vie

En ce qui concerne Mariana, la méthode pour amplifier l'ADN n'est pas sa première invention. Cette étudiante en biologie a développé à l'âge de 19 ans une cellulose naturelle  - sans lignine, un polymère qui peut être toxique - pour produire du bioéthanol et réduire la viscocité du pétrole.

Natalia travaille dans la même veine. Cette jeune de 20 ans qui vit à Bucaramanga se rend fréquemment à Manizales pour faire avancer ses projets scientifiques. “Réaliser des inventions change la manière de voir la science, mais le mieux dans tout ça, c'est que nous le faisons avec humilité ”, commente-t-elle.

Ses camarades Ana Carolina et María Alejandra se concentrent sur la création de métabolites secondaires avec des propriétés antioxydantes, capables de neutraliser les nocivités qui accélèrent le vieillissement et provoquent le cancer. Micropipettes en main, elles racontent : “Les métabolites ont une application dans l'industrie pharmaceutique, alimentaire et cosmétique”.

“Au parc, nous voyons l'application de ce que nous pouvons créer. La connaissance devient tangible. Le docteur Cuero nous permet d'avoir l'esprit ouvert. Sans lui, nous avancerions à l'aveuglette”, ajoutent-elles.

Ce groupe de 19 inventeurs travaille également au développement d'une bio-gomme élaborée à 80% avec des produits naturels, qui puisse remplacer le caoutchouc synthétique à base d'hydrocarbures - très contaminant - que l'on utilise comme isolant et protecteur dans les parois des véhicules, des avions et des édifices. De même, ils développement actuellement une molécule naturelle capable de décontaminer les eaux résiduelles et sur une méthode révolutionnaire pour décontaminer les terres. Toutes les technologies du parc sont évaluées par des laboratoires de grand prestige aux États-Unis avant d'être patentées ou brevetées. 

Sans doute, le succès de ces jeunes scientifiques, qui ont parouru le monde pour montrer leurs inventions, réside dans le fait que Cuero les met au défi de se rapprocher de son niveau, d'apprécier le processus de recherche et surtout de ne courir après la reconnaissance.

“La créativité doit être quelque chose de spontané et d'agréable, et être fonctionnel pour l'humanité - indique le scientifique. Et il conclue–. Ici, ce n'est pas le meilleur étudiant qui entre, mais celui qui est capable de concevoir une innovation. Ce n'est pas ludique, c'est de la science de pointe”.

ANDREA LINARES GÓMEZ
Envoyée spéciale pour EL TIEMPO / Manizales

Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com

http://www.eltiempo.com/vida-de-hoy/ciencia/ARTICULO-WEB-NEW_NOTA_INTERIOR-12912363.html