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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
16 décembre 2011

Les religions de matrice africaine victimes d'intolérance au Brésil

 

 RIO DE JANEIRO (AP) - Rosa Cardoso est pratiquante de la religion afrobrésilienne de l'Umbanda depuis presque toutes ses 89 années d’existence, pourtant elle n'a jamais cessé de cacher sa foi au reste du monde.

umbanda

 La porte du temple qu’elle dirige dans un quartier de classe moyenne de Rio de Janeiro est située derrière une porte simple et délabrée et ne porte aucun signe annonçant  sa présence. À l'intérieur, les fidèles rendent hommage à des images de dieux d'ascendance africaine, les Orixas, mais les portraits sont rangés discrètement derrière un treillis en bois sous un autel orné d'une image presque grandeur nature de Jésus, flanqué de Sainte-Barbara et de la Vierge Marie.

 Même si environ 400.000 Brésiliens comme Cardoso sont adeptes de cette religion, ils continuent également d’affronter les préjugés qui contrastent avec l'image publique d'harmonie raciale et religieuse du pays.

 L'intolérance et la franche hostilité contre l'Umbanda, et contre le Candomblé, autre grande religion d’ascendance africaine au Brésil ont récemment repris le devant de la scène alors que des militants de la liberté religieuse ont dénoncé la démolition d'une maison connue comme le berceau de l'Umbanda.

 Dans le même temps, le propriétaire d'un autre temple Umbanda dans la même ville, São Gonçalo, face à  la baie de Rio, se bat contre une expropriation visant à transformer sa maison en un centre sportif.

 Cardoso affirme avoir appris à ne pas baisser sa garde pour se protéger contre le mépris religieux. Le pays de 190 millions reste majoritairement catholique romain, même si les congrégations pentecôtistes ont conquis des légions de convertis.

 Beaucoup de personnes à Rio peuvent citer  les noms de quelques Orixas, et des milliers de croyants et de sympathisants affluent sur les plages au Nouvel An vêtus de blanc pour déposer les offrandes à Iemanja,  la déesse de l’Océan.

 Cependant, de nombreux Brésiliens considèrent souvent l'Umbanda et le Candomblé comme de simples versions de sorcellerie inoffensive, et les croyants sont réfractaires à reconnaître publiquement qu'ils suivent ces croyances. Dans de nombreux endroits du pays, pratiquer l'Umbanda était interdit par la loi jusqu'en 1950, et au cours des trois décennies suivantes, les croyants étaient sensés s'enregistrer auprès de la police.

 " Nous avions l’habitude de nous cacher dans les bois pour faire nos cérémonies" , déclare  Cardoso, un soir, alors qu’une cérémonie umbanda pleine de tambours, de danses et de corps possédés se met en branle. Même maintenant, Cardoso n'ouvre pas sa maison à des inconnus sans un examen minutieux.

 L’Umbanda a été créé il y a un peu plus d'un siècle, en puisant dans d'anciennes traditions comme le catholicisme, les croyances des esclaves Yoruba emmenés d'Afrique de l’ouest, de la spiritualité des groupes indigènes du Brésil et des enseignements du spiritualiste français du 19ème siècle Allan Kardec.

 La religion a de nombreuses variantes, mais toutes partagent la croyance en un être suprême, Oxala, et en un panthéon d'autres divinités d’origines africaines, donc beaucoup s’identifient avec un saint catholique et avec les forces naturelles ou les éléments. Ils croient également que ces divinités, de même que d'autres esprits, peuvent entrer dans le corps des personnes ayant un don de divination pour les conseiller et interagir avec les vivants.

Une enquête de la ville menée en 2011 a trouvé 847 maisons de culte Umbanda, à Rio, même si, comme celle de Cardoso, elles sont souvent difficiles à repérer.

Au cours d’une soirée récente dans la maison de Cardoso, une jeune femme dans une longue robe blanche s’est placée sur une étoile à six branches peinte au centre de la salle, calme malgré les tambours qui battaient rapidement, les chants et la fumée d'encens épaisse qui l’entouraient.

 Soudain, elle s'est effondrée au sol. Lorsqu’elle s’est relevée, elle avait le dos fortement courbé à la manière d’une très vieille personne. Ses doigts et ses orteils courbés comme dans le cas d'une arthrite, et les traits du visage tirés, la bouche plissée, les yeux louchant. Sa voix était cassée, alors qu'elle se promenait, en bénissant chacun des participants de la cérémonie.

 

C’était  le début de la nuit des «velhos pretos»,  les vieux hommes noirs. Bientôt, tous les «fils» et «filles» de la maison intégraient, en concordance avec leur croyance, les esprits des vieux ancêtres noirs sages, et plus tard en offrant des conseils individuels aux dizaines de personnes assistant à la cérémonie.

 La constitution post-dictature du Brésil de 1989 a consacré la liberté de tenir de telles cérémonies, mais les adeptes de l'Umbanda affirment que le dédain officiel et des préjugés intenses mettent encore leur vie et leurs sanctuaires en danger.

Selon les rapports de police, les adeptes de religions afrobrésiliennes signalent en  moyenne 100 cas d'agression physique ou verbale par  an à cause de leur foi rien que dans l'État de Rio de Janeiro.

 Un autre rapport, qui a été soumis au Conseil des droits de l'Homme de l’Onu par un groupe de militants pour la liberté religieuse a détaillé 39 cas de discrimination à travers le pays en 2009. Ceux-ci vont du refus d'une banque de l’État du Minas Gerais d’ouvrir un compte à une association religieuse afrobrésilienne à la destruction partielle d'un temple candomblé dans l’État de  Bahia. Les enquêtes pour les deux cas datant de 2008 sont toujours en cours.

 "L’Umbanda a beaucoup souffert de la pression d'autres religions, ainsi que de l'État et de la police", déclare Fernando Altemeyer, un théologien à l'Université Catholique de Sao Paulo. "Il y a des éléments du catholicisme, mais ce n'est pas catholique; du spiritualisme, sans suivre exactement les croyances de Kardec. Donc, personne ne le reconnaît comme leur appartenant."

 

Les cas de persécution contre l'Umbanda et le Candomblé ont augmenté avec la présence et la puissance des religions pentecôtistes, affirme Altemeyer.

 "Il y a toujours un discours disant vouloir " les arracher aux mains du diable ", les convertir", indique Altemeyer. "Les actions évangéliques dans ce sens sont très importantes."

 Ces tensions sont remontées en surface à Sao Gonçalo, où la mairesse Aparecida Panniset, une  pentecôtiste qui ne s’en cache pas, a été accusée de ne pas protéger les sites Umbanda, ou même de les détruire.

 En Octobre, elle a ignoré les supplications de militants de la tolérance religieuse d'arrêter la démolition de la maison où les premiers rituels Umbanda furent organisés en 1908. Selon eux, elle a également rejeté leurs demandes de rencontre. 

 Panniset  a par la suite poursuivi ses efforts pour raser une autre maison traditionnelle Umbanda dans la même ville. Les tracteurs ont commencé à niveler le terrain et une clôture a été construite autour de la propriété avec des signes annonçant l'arrivée d'un centre sportif, même si le permis de construire n'a pas été accordé à Sao Gonçalo et que l'affaire est pendante devant le tribunal.

 La mairesse n'a pas répondu à plusieurs appels et courriels de l'Associated Press demandant ses commentaires. Les documents déposés en cour par la ville ne font pas mention d'un temple sur le terreiro, ou même de ses propriétaires. Il  fait plutôt allusion à des bâtiments non spécifiés "en mauvais état de conservation"  et à des " occupations illégales", et affirme que le secteur a peu de valeur immobilière. Le propriétaire Cristiano Ramos affirme qu'aucun responsable de la ville n'a jamais inspecté la propriété.

 "Depuis l'esclavage, nous avons été habitués à prendre des coups et à nous taire pour survivre", déclare Ramos. "Mais cela ne signifie pas que nous ne résisterons pas. Nous sommes ici depuis  tous ces siècles, et nous allons continuer. "

 Ramos a hérité de la maison de son père, également prêtre Umbanda qui, en 1947,  a incorporé l'esprit d'une divinité indigène, l'Indien à la Plume d’Or, qui donne son nom au temple vieux de 40 ans.

 La Commission Contre l'Intolérance Religieuse, une organisation à but non lucratif basée à Rio continue de lutter pour la construction d’un musée de l'Umbanda sur le site de la première maison de culte de cette religion. Le conseil municipal de Sao Goncalo a annoncé jeudi qu'il cherchera à déclarer la propriété site historique protégé et examinera le projet de construction d'un musée à cet endroit.

 

" Construire le musée est un moyen de réparation et de minimiser les dégâts causés en Octobre, lorsque la maison qui fut le berceau de l'Umbanda a été démolie", affirme dans un communiqué Amarildo Aguiar, membre du conseil.

 Ramos indique qu'il veut voir le musée construit, mais en même temps, il indique que l’Umbanda doit demeurer une foi vivante. Ce qui, selon lui, revient à protéger les maisons où la plus brésilienne des croyances vit.

 "Je ne suis pas prêt à devenir une exposition," déclare Ramos. " Ma maison est une maison active.  Nous sommes ici depuis,  vivant dans notre foi avec nos Orixas, et en respectant les autres. Nous allons demander ce respect en retour. "

 Traduit de l'Anglais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/

http://newsone.com/world/associatedpress7/african-religion-under-fire-in-brazil/

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