Thalma de Freitas: "la beauté noire renforce la mode"

L’Actrice et chanteuse Thalma de Freitas, qui est en train d’organiser un défilé sans aucune top modèle blanche. 

Thais Bilenky

Thalma de Freitas, Actrice et chanteuse noire, serait gênée d’entendre que son contrat avec le Réseau Globo est dû à une politique de quotas appliquée par la chaine. Elle pense que ce serait "dénigrer son talent " comme le font les stylistes qui n’incluent pas les top-modèles noires dans leurs défilés. 

Pour Thalma, la beauté noire est un facteur d’affirmation de la mode brésilienne sur la scène internationale. 

La représentante du Ministère Public Fédéral Déborah Kelly Affonso propose la création de quotas pour les mannequins noirs lors du São Paulo Fashion Week. Le créateur de l’événement, Paulo Borges, juge que ce n’est pas son rôle d’interférer dans le travail des stylistes. Thalma de Freitas affirme que l’initiative de  représentante de soulever la polémique est en elle même louable. "Je pense toujours qu’il est important de discuter, d’attirer l’attention des gens", indique l’actrice.

La styliste  Glória Coelho affirme que de nombreux noirs travaillent dans les coulisses des défilés, et pour cette raison, leur travail est déjà valorisé – loin des passerelles.

La réponse de Thalma : "Pourquoi (les noirs) doivent être sur le podium? Parce qu’ils et elles sont des mannequins, des modèles de beauté, pour servir de référence. Pourquoi  (les noirs) ne peuvent-ils pas servir de référence? Je ne las comprend pas". L’artiste ajoute : 

- Je pense même que c’est une honte de ne pas avoir tous les types de femmes brésiliennes dans les défilés, car d’une certaine manière, le métissage fait partie de l’identité des gens. Et ce n’est pas parce qu’il manque de top modèles noires qu’elles ne défilent pas. La majorité (des stylistes) copie l’Europe, là-bas c’est plutôt...

La chanteuse, à l’invitation de Victor Dzenk, originaire du Minas Gerais, est en train d’organiser un défilé en hommage à l’Afrique et souhaite ne faire défiler que des top modèles noires. Et elle n’a eu aucune difficulté à composer son casting. Ce qui manque, c’est de changer l’ "habitude", "questionner avec véhémence" la suprématie blanche dans les défilés de mode au  Brésil, indique  Thalma. Ce ne sont pas les professionnels de la beauté pour représenter les noirs qui manque, c’est plutôt l’opportunité, conclue-t-elle.

Terra Magazine – Est-ce qu’un système de quotas en faveur des noirs dans les défilés constituerait une bonne initiative d’inclusion? 

Thalma de Freitas – Peut-être si ça marche. J'ai toujours pensé qu'il est important de discuter, d'attirer l'attention des gens. Je pense même que le fait de ne pas voir tous les types de femmes brésiliennes dans les défilés est une honte, car d'une certaine manière, le métissage fait partie de l'identité des gens. Et les Top-modèles noires sont là, ce n'est pas parce qu'il en manque qu’elles ne défilent pas. Je crois que c'est un problème d'attitude, et même une habitude. La plupart (des stylistes) copie l'Europe, là-bas c’est plutôt... Quand on ne remet pas les choses en question avec véhémence, c’est difficile que les gens changent d’attitude,  et encore plus parce que la majorité des stylistes sont blancs. Au fait, y a-t-il un styliste noir? 

Marcelo Falcão a une marque... 

...Il y a une époque où je pensais cela, qu’il n y avait pas beaucoup de top modèle noires parce qu’il n’y avait pas de stylistes noirs et les gens ont tendance à se représenter eux même et leurs propres monde, leur propre réalité, mais je crois que je me trompais. Je ne pense plus comme ça. 

Pensez-vous qu’un styliste, même s’il est blanc, doit  inclure des mannequins noirs pour représenter le Brésil? 

Je ne crois pas que le Brésil ait une race définie. Tout comme je ne pense pas  (que le styliste Alexandre) Hercovitch soit un styliste blanc, ou un blanc tout court. Au Brésil, personne n’est blanc. Ici, l’identité de la population est très métissée. Les filles noires manquent (dans les défilés). À tel point que vous êtes en train d’en discuter avec moi. Je crois que leur présence ferait la différence pour marquer l’identité de la mode brésilienne. Principalement lorsque les stylistes montrent (leurs créations) en dehors du Brésil, s’il y avait plus de top-modèles noires, je pense que cela renforcerait l’identité de la mode brésilienne. Il ne s’agit pas d’un business arbitraire, il est question d’esthétique. 

C’est ce que vous essayer de compenser dans le défilé avec Victor Dzenk? 

Moi, ma sœur et mon assistante, qui vient du Cap-Vert, on veut proposer un défilé sans aucune top modèle blonde (blanche). Du point de vue esthétique et parce que cela rentre dans la présentation du défilé. Les gens vont demander des modèles avec plus de formes, avec des seins, des fesses, car on parle de l’Afrique, une Afrique imaginaire. Mais l'objectif de cette idée, qui reste un divertissement,  n'est pas précisément de porter une bannière, mais ce serait intéressant si a un impact. Car, il va s’agir de lancer des top-modèles noires sur le marché à l’improviste. 

Lancer? 

J'ai demandé mon amie, Nêga (Mônica Assis), organisatrice de casting à Rio de Janeiro,  de me trouver quelques tops modèles. Elle m’a répondu : trouver des mannequins! Je vais juste te donner leurs noms. Elles sont toutes là-bas, baby, à la recherche d’un travail. J’entends dire que (cette absence) est due au fait qu’il n y a pas de top modèles noires. Mais si vous n’avez pas un marché de travail pour vous spécialiser, c’est vraiment compliqué de gagner en expérience. 

La styliste Glória Coelho questionne la présence des tops modèles noirs sur les podiums alors qu’il y a déjà beaucoup de noirs dans les coulisses des défilés. Même si elle ne pense pas que l’un (les noirs dans les coulisses) empêche l’autre (les noirs sur les podiums) cela peut-il compliquer l’accès des top-modèles moires sur le marché? 

Bien sûr, c’est là le problème. Ce qui pose problème ce sont les personnes qui ne croient pas que la beauté noire est digne de représentation. Le marché de la mode est vaste, important, brasse  beaucoup d’argent. Comme on est au Brésil, il est évident que la majorité des professionnels qui fabriquent les robes sont noirs, car nous sommes une population très importante en nombre au niveau national. Ce n’est pas de cela dont on parle. On parle de la représentation de la beauté noire comme élément de la beauté brésilienne sur le marché de la mode nationale. 

Effectivement. 

Personne ici  ne fait de la charité, personne ne demande qu’on lui fasse une faveur. La question des quotas... est gênante. Moi – en tant que femme noire – je suis gênée quand quelqu’un dit que j’ai un contrat avec le réseau Globo uniquement parce qu’ils doivent maintenir le quota. Cela revient à dénigrer mon talent, ma personne. C’est une question politique que le marché du travail soit juste, honnête et équilibré. 

Car malheureusement, le racisme reste présent dans notre culture. Pas seulement au Brésil. Le racisme est grave au Brésil, car la majorité des brésiliens ont la peau foncée, c’est donc l’absence du noir qui est un problème. Pourquoi doivent-ils être présents sur les podiums? Cat ils sont des top-modèles,  des modèles de beauté, pour servir de référence. Pourquoi les gens ne peuvent pas servir de référence? Je n’ai pas compris. Regarde Patrícia de Jesus. Patrícia de Jesus, mon amie est une top modèle, elle est noire, elle est belle. C’est quelque chose de merveilleux d’être une référence de beauté pour moi et pour toutes les petites filles noires au Brésil. Pourquoi ne peut-elle pas apparaitre sur la passerelle? Je répète que ce n’est pas une faveur! Personne ne fait de la charité. Il s’agit d’un équilibre. Il s’agit de la légitimité de la beauté brésilienne.

Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga