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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
19 septembre 2008

Paula Marcela Moreno : "Je suis le produit de la rencontre de l’opportunité et de la capacité ":

Photo: Mauricio Moreno / EL TIEMPO 

La ministre Paula Marcela Moreno, qui occupe son poste depuis juin de l’an dernier  avec le président Álvaro Uribe lors du concert national très réussi le  20 juillet dernier à Leticia (Amazonas). 

La ministre de la Culture en entrevue avec  María Isabel Rueda, a de plus indiqué "qu’il faut trouver des actions qui aident la population noire à s’ouvrir des espaces pour qu’elle se sente partie de cette société".

MARÍA ISABEL RUEDA: Dans votre petit coin sans faire de bruit et sans trop d’exposition, vous vous êtes avéré être l’un des bons coups du gouvernement.... 

PAULA MARCELA MORENO: Hé bien, que puis-je vous dire?... On travaille avec tout l’amour et toute la conviction en étant bien conscient qu’un ministre passe, mais que l’administration reste.

Cette bannière Blanche de la cohabitation dont parle le Vice-président  Francisco Santos, vous l’avez arboré au Ministère de la Culture. Et on l’a bien vu le 20 juillet dernier... 

Le président Uribe m’avait demandé depuis août de l’an dernier de l’aider à célébrer le 20 juillet en musique. À cela s’est ajouté le patriotisme des colombiens qui sont sortis en grand nombre dans les rues pour demander la liberté pour les otages. Une date comme celle-là est très importante pour réfléchir sur la chance qu’a notre pays. Et cela a constitué l’épreuve de feu de l’un de mes programmes favoris, Le Plan National de Musique pour la Cohabitation (Plan Nacional de Música para la Convivencia) avec le soutien des écoles de musique traditionnelle et non traditionnelle qui existent dans le pays, et dont font partie  40 mille enfants et jeunes. Les choses se sont très bien passées,  mais avec un secret supplémentaire: doña Lina (Moreno de Uribe).

Dès le premier jour, vous vous êtes proposé de ne pas gérer le Ministère de la Culture à partir de Bogotá... 

Depuis l'année plus quatre mois que je suis au ministère, j'ai visité plus de 90 municipalités. La Culture est un terme très large. Savez-vous pour quelle raison j'aime tant la  municipalité de La Chorrera, dans l’Amazonas? Quelques trois semaines après avoir pris mes fonctions, je m’y suis rendu sur invitation des caciques.

Et lorsque je suis arrivée, ils m’ont dit: "Asseyez vous là et écoutez. Ne parlez pas. Nous allons vous dire ce que c'est la culture. Les racines d’un arbre sont très souvent invisibles, mais c'est pourtant elles qui soutiennent cet arbre. C'est cette même fonction que remplit la culture dans un pays. Et c'est la raison pour laquelle il faut la préserver". 

Depuis lors, je fais des réunions périodiques avec les communautés dans tous les recoins du pays, pour leur demander quelles sont leurs priorités. Par exemple, j'ai été agréablement surprise qu'à Tadó (Chocó), une municipalité qui se trouve à deux heures de Quibdo, la priorité culturelle c'est le cinéma. Quand je leur ai demandé pour quelle raison, ils m'ont répondu: c'est que pour nous, il est très important que nous nous voyions. À Buenaventura la surprise fut inverse, quand un gamin m'a dit que cette municipalité n'avait pas d'histoire. Comment un gamin peut-il se projeter s'il estime ne pas avoir d'histoire?

Un Ministre de la Culture qui ne se plaint pas du manque de moyens, ça n’existe pas... 

C’est vrai qu’il n y a pas d’argent, mais on n’en n’a pas besoin pour aller dans une ville reculée de Colombie et de dire aux gens qu’ils sont importants pour nous,qu’ils ont une histoire...  70% du pays est invisible et l’un des nos grands défis est de les rendre visibles à travers la culture. 

D’où venez-vous ? Où vous a découvert le Président? 

Je suis ingénieure industrielle, licenciée en Langues et Cultures Italienne. Je suis née à Bogotá. Ma famille est de  Santander de Quilichao. 

Et pourquoi un diplôme en Langue et Culture Italienne ? 

Parce que Leonardo da Vinci, la poésie, l’architecture et tout ce qui est lié à l’Italie me fascinent. C’est de là qu’est partie ma passion pour les langues. En plus de l’Espagnol, je parle Anglais, Français et Italien. J’aimerais maintenant apprendre le Portugais. Pour moi, la langue est la mémoire des peuples. 

Vous ne m’avez toujours pas dit qui vous a découvert... 

Un ami qui travaille au gouvernement m’a une fois demandé mon Cv je le lui ai envoyé. J’étais alors Consultante de  l’Organisation Panaméricaine de la Santé. J’étais également consultante  à la Faculté d’Administration de l’Université des Andes pour la conception d’une nouvelle maitrise en gestion environnementale. J’étais enseignante du cours de Globalisation et Développement à l’Université Autonome et  chercheur associée au Centre d’Études Latino-Américaines à l’Université de Cambridge. Je faisais beaucoup de choses de façon très libre. 

C’est alors que vous meniez toutes ces activités que l’on vous a pêché... 

Un jour Alicia Arango, la secrétaire particulière du Président, m’a appelé et m’a accordé une entrevue. Par la suite, le président m’a appelé et m’a dit que j’étais la bienvenue si je souhaitais servir la patrie. À partir de là, je me suis lancé dans le travail. 

Au départ, on a dit que vous aviez été choisie à cause de votre race apparemment pour faire plaisir au caucus démocrate américain pour montrer qu’ici nous pratiquons la diversité raciale. Le fait d’être noire a-t-il été déterminant dans votre nomination? 

Je ne le pense pas. Il est à coup sûr question d’un certain nombre de mérites, du fait que j’avais un certain bagage, j’étais disposée et que j’avais de l’expérience. 

Vous êtes-vous jamais sentie discriminée? 

Oui et non. Oui, dans le sens où je vois certaines interrogations et certaines opinions qui mettent l’accent sur la question de mon ethnie. Un exemple de discrimination se manifeste lorsque beaucoup de personnes m’approchent en me disant qu’ils aiment les noirs. Pourquoi me disent-ils cela? C’est comme si je venais vers vous en vous disant que j’aime les blancs. Qu’essaient-ils de dire, d’expliquer ou de justifier? Dans l’inconscient collectif, il existe effectivement des paramètres discriminatoires. Cependant, d’un autre point de vue, je ne me suis pas sentie discriminée par ce que j’ai appris chez moi de ne demander à personne ce qu’il ou elle pense de moi. Je suis moi, un point, un trait. Et  vue comme je suis, tellement enracinée, je ne permets pas à l’autre de me discriminer. 

Si vous aviez été Blanche, seriez-vous également devenue Ministre? 

Je n’en sais rien. La vie apporte aux gens des choses qu’ils ne se sont jamais imaginés.   Je n’ai pas encore commencé à l’évaluer, mais par exemple, au niveau international, mon inclusion au gouvernement a envoyé un message positif sur le pays. Très peu de gens savent qu’en Amérique Latine, le deuxième pays ayant la plus forte population afrodescendante c’est la Colombie. C’est pourquoi il faut refléter cette diversité  dans la gestion publique. Ce pays a voulu se voir homogène et non seulement nous le sommes pas, mais quel bonheur qu’il en soit ainsi! N’est-il pas sensationnel de voir Totó la Momposina chanter avec  Dr. Krápula? C’est la multi ethnicité totale, non seulement raciale, mais musicale.

Cela vous fait-il mal que je me réfère à vous comme une femme noire ou préférez-vous afrodescendante ? 

Je vais vous donner une réponse personnelle et la réponse académique. Pour moi, le mot noire est un mot normal. J'appelle mes cousins negritos. Cela ne m'offense pas qu'on m'appelle noire. Pour d'autres personnes, ce mot a des connotations, car il faut comprendre qu’à l'époque de l'esclavage, il s'agissait également d'une référence au chimpanzé, à un macaque et c’était un terme méprisant.

Quant au mot afrocolombien, je le considère politiquement correct, car en tant que descendante africaine, ce mot a pour moi une grande valeur. Le drame vécu par les africains esclavisés est la plus grande tragédie de l’humanité. Je n’entre pas dans le débat sur les mots, mais le vocable afrocolombien contient un facteur de revendication, de reconnaissance du fait que nous avons des racines fortes en Afrique : et cela ne signifie pas que nous voulons y retourner, mais nos racines s’y trouvent et ce n’est que la vérité. 

Le mot nous permet  d’améliorer notre estime de soi, du  fait de savoir que nous avons fondamentalement contribué à la culture, à la musique, au sport de ce pays, et même à sa très grande diversité. Quand on découvre cela, on se tient ferme et on avance sans regarder à côté.

Vos deux parents sont noirs ? 

Oui, ils viennent du nord du Cauca. Il y a 32 ans ils sont venus à Bogotá pour se faire une place en travaillant et en étudiant.

Récemment 'Tino' Asprilla (Faustino Asprilla) a surpris le monde en disant qu’il voulait être blanc pendant quelques heures pour voir si  les absurdités qu’on lui impute sont dues au fait qu’il est noir. Auriez-vous aimé être née Blanche ou le devenir pendant quelques heures? 

Non! Dans la vie, chaque chose arrive pour une raison. Être afrocolombien est un sujet plein de valeurs. Nos ancêtres ont bâti la liberté dont nous jouissons aujourd’hui. 

Comment dissiperiez-vous alors l’inquiétude de 'Tino'? 

Ma grand-mère était une esclave affranchie. Elle n’avait jamais rêvé qu’un jour je serais à la place que j’occupe. Tous les afrodescendants ont pour mission historique de continuer à contribuer à la construction de cette nation. Je dirais à  'Tino' que nous sommes le produit de la capacité de  rétablissement d’un peuple, et que nous devons vivre en témoignant de cette différence.

(Et de surtout s’assagir...!)

Vous êtes plutôt Obama ou McCain? 

C’est une très bonne question, mais y répondre me met dans une position difficile. Je garde ma neutralité. McCain est un très bon candidat et il est proche de la Colombie, mais je dois avouer que quand je vois Obama, je vis en moi une immense émotion et je ne peux pas le nier. Je suis heureuse de le voir briller là-bas avec son agenda d’intégrité. McCain a une très grande expérience et il représente un choix important, mais je partage avec  Obama une solidarité innée. 

Bravo pour votre excellente réponse ...Avez-vous un fiancé? 

Oui. Il ne reste plus que le mariage.

Est-il blanc ou noir? 

Un être sans silence est aussi un être sans mystère. (Rires).On va en rester là, mais si vous voulez savoir, il est mélangé. 

MARÍA ISABEL RUEDA 

Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga

SPÉCIALEMENT POUR EL TIEMPO 

http://www.eltiempo.com/colombia/politica/2008-09-01/soy-producto-quizas-de-la-coincidencia-de-la-oportunidad-con-la-capacidad-paula-marcela-moreno_4493275-1 

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