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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
11 février 2013

Adalberto Camargo le Premier Député Fédéral Noir pour São Paulo se raconte (I)

Edition: Antonio Lucio / Oswaldo Faustino
Collaboration et Copy desk: Izabel Cristina R. de Jesus
Texte final: Oswaldo Faustino

 

Traduction de Guy Everard Mbarga

 

 

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Premier Député Fédéral Noir  pour  São Paulo dans les années 60, il a survécu à une enfance marquée par l’absence de ses parents, à l’intérieur de l’État, et la dureté des plus petits boulots, lorsqu’il s’en alla pour la capitale  pauliste,  avant de devenir un homme d’affaires à succès. Homme politique conscient de son rôle dans le processus de conquête socio-économique des communautés noires, brésilienne et mondiale, il encouragea le rapprochement du Brésil avec le Continent Africain. Adalberto Camargo nous raconte son histoire, une saga victorieuse. 

 

Portal Afro – Pouvez-vous nous parler de votre enfance et nous dire quelle fut votre plus grande motivation durant cette période de votre vie?

Dep. Adalberto Camargo – Je suis né à Araraquara et j’ai perdu ma mère alors que j’avais  entre 3 et 4 ans. Nous étions quatre frères et on nous a “donné” à des personnes proches de ma mère. Je suis allé dans une ferme, à São José de Rio Preto, pour être éduqué par un oncle marié à une italienne, Tante Catina, qui avait 14 enfants. Je faisais toutes sortes de tâches d’un travailleur rural et ma tante m’a appris à écrire mon nom. Puis, vers mes 13 ans, ils ont décidé de me faire retourner à  Araraquara. Je ne voulais pas et à la gare d’Araraquarense, je me suis mis à pleurer. Tia Catina m’a donné une tape dans le dos en disant: “Vas-y vivre ta vie. Ne t'abaisse jamais devant personne. Si un jour tu le fais, ne dis à personne que tu es mon neveu. Tu me ferais honte. Tu dois être fier ”.

 

Portal Afro – Un conseil que vous n’avez jamais oublié?

Dep. Adalberto Camargo – C’étaient des mots d’ordre dans la formation de mon caractère et de ma personnalité. J’ai appris que l’on doit respecter et être respecté. À Araraquara, je vivais avec  tante “Nega” - Maria de Lourdes Gonçalves -, qui était  lavandière et je l’aidais. Je suis resté là pendant un peu plus de deux ans. J’ai été cireur et j’ai fait toute sorte de petits boulots possibles. Tout ce que je recevais passait entre ses mains.
Un jour, j’ai pris 2 000 réals pour m’acheter des vêtements. Elle s’est querellée avec moi, je lui ai répondu et elle m’a dit de prendre la porte de la maison. C’était au mois de juillet 1939. Elle avait parlé à 2 heures et à 6 heures,  je prenais le  train pour  São Paulo.

 

Portal Afro – Toujours à  Araraquara, y a-t-il eu une quelconque autre grande influence dans votre vie?

Dep. Adalberto Camargo – À l’époque il n y avait pas d’affiche publicitaire extérieure, ni télévision et la radio était  à galène. Mais il y avait le cinéma.  Je livrais des panneaux pour annoncer les films
et je gagnais des revenus par  séance. Il y avait un film en série, dont le titre était Sertão Desaparecido, dont un épisode était diffusé tous les vendredis. Il s’agissait de safari et de chasse  en Afrique. J’étais présent lorsqu’on diffusait ces films, toute la semaine  et j’étais  “troublé”: les blancs portaient des pantalons qui s’arrêtaient au genou   – qu’on appelle bermuda aujourd’hui –, des chaussettes trois quart, un casque et un  fusil au dos ; et les noirs, marchaient dans la forêt derrière les chasseurs, transportant les provisions – on appelle ça  “matula” (les provisions) à l’intérieur de l’État. Là je suis allé voir
tia “Nega” et je lui ai demandé: “Le Noir sert-il seulement à transporter les provisions?”. Elle résista le premier jour, mais au troisième ou au quatrième, elle me donna une réponse: “Si vous êtes correct, vous travaillez et que vous vous souciez de votre développement, un jour vous prendrez la carabine”.

Portal Afro – En plus de vous ouvrir les yeux sur l’Afrique, ces films vous ont également encouragé à vouloir  “prendre le fusil”, n’est ce pas?

Dep. Adalberto Camargo – Pour ne pas continuer à porter les provisions du chasseur  (rires). Cela trottait déjà dans mon esprit, depuis mon enfance. Et je cherchais à obtenir les moyens de “prendre la carabine”, au sens figuré, évidemment. J’étais déterminé à atteindre cet objectif.

 

Portal Afro – La détermination est-elle la principale marque de votre vie?

Dep. Adalberto Camargo – Ça a toujours été le cas. Vous voulez un exemple? Jusqu’à ce que retourne à  Araraquara, je ne connaissais pas mon père. J’ai fait connaissance avec lui dans la rue quand j’avais 16 ans. C’était un avocaillon, un homme qui avait le permis d’exercer les fonctions d’avocat, il était autodidacte, très intelligent. Nous nous sommes rencontrés et il a dit: “Vous ne le savez pas mais je suis votre père.
Vous n’avez que le nom de votre mère, mais on va ajouter le mien. Vous vous appellerez désormais Adalberto Camargo Paulino. Ta pièce d’identité  va avoir le nom du père et de la mère”. Et je lui ai répondu: “Écoutez papa, je vous suis très reconnaissant, mais votre nom ne m’est pas utile. J’honorerai le nom de mère jusqu’à ma mort”. Et c’est ce que j’ai fait.

 

SÃO PAULO, 1939
Portal Afro –
Comment s’est passée votre arrivée à São Paulo, la terre des opportunités?

Dep. Adalberto Camargo – Je suis arrivé à la Station  Luz et j’ai eu là même ma première opportunité, dans le Jardin da Luz (rires). Je me suis couché là, sous la bruine, dans  un très grand froid. Il y avait un Bar, sur Bom Retiro, au coin des rues Prates et José Paulino, qui est encore là jusqu’à présent. Le propriétaire, à l’époque le “Portugais”, me permit de laver l’établissement en échange de la nourriture. Après, j’ai dormi là pendant quelques jours, jusqu’à ce qu’apparaisse un meilleur emploi. Je suis resté au Bom Retiro pendant une année. Moi et  Zezinho - José Camargo -, qui était également d’Araraquara. Il fut  cireur avec moi, nous étions très unis, comme des frères. Après une année, nous sommes allés vivre dans la rue. J’ai eu un nombre d’emplois infinis à cet endroit.

 

Portal Afro – Une infinité d’emplois et de formes d’apprentissages, n’est-ce-pas? Comment avez-vous par exemple appris l’anglais?

Dep. Adalberto Camargo – J’ai fait divers emplois. L’un d’eux était en tant que vendeur de  vaseline pour les défrisants de cheveux. Celui qui me l’a appris était un grand ami noir Orlando Alves Lima, ou “Orlando Von Stuckerman” qui vendait des radios dans la communauté. J’ai également travaillé comme ouvrier dans une  menuiserie. Après, j’ai été  manœuvre au Collège des Sciences et des Lettres, à la Rue Beneficência Portuguesa. Là, j’ai eu un professeur d’espagnol et d’anglais, Manolo. Je balayais la cours pendant son heure de classe, et je restais  derrière la fenêtre, assistant de cette manière aux classes. C’est ainsi que j’ai appris quelques trucs, l’élémentaire.

 

Portal Afro – Et d’où est partie votre vision pour les affaires?

Dep. Adalberto Camargo – Quand j’ai quitté les Sciences et Lettres, je suis allé travailler en tant que livreur d’avis de réclamation pour le  Dr. Basílio Machado Neto, qui était propriétaire du  Cartório de Protestos. Puis j’ai été  gratteur de plancher et j’ai offert tout type de services jusqu’à entrer dans un groupe qui lavait des automobiles dans les magasins et j’ai appris à vendre des voitures. Je vivais dans une chambre, à la Rue Aurora, 409. J’étais au numéro  25. La propriétaire et son fils possédaient également le Curso de Madureza, au Collège Patriarca, sur la Rue São Bento. Il y avait de nombreux adultes à ce cours, et grâce à deux étudiants, j’ai réussi à bien connaitre le milieu des affaires. Je cherchais sans cesse une meilleure option.

 

LA DÉTERMINATION
Portal Afro – Peut-on dire que tout était prémédité: être laveur de voiture avant d’en devenir le plus grand vendeur?

Dep. Adalberto Camargo – Oui, pour connaitre les gens qui vivaient de ce  commerce automobile qui fonctionnait à l’époque dans ce qu’on appelle “esquina do pecado” (Coin du péché) sur l’Avenue São João avec les rues  Timbiras et Conselheiro Nébias. Là-bas, j’ai fait mes premiers pas dans la vente des voitures, et très vite, j’ai monté un magasin sur la Rue Marques d’Itu. J’ai emmené  avec moi “Guariba”, qui était un maitre dans l’art du polissage et dans la préparation du véhicule pour qu’il ait l’apparence optimale pour la vente.
C’est de là qu’est venue l’expression “donner une guaribada”. Par la suite, je suis devenu transitaire-expéditeur et, en janvier  1951, j’ai loué le magasin de la Rue dos Timbiras, au 484, avec un associé,  José Pires, dont le père était  inspecteur de la Guarda Civil. Le magasin pouvait contenir 26 véhicules, et au cours du premier mois d’activité, nous en avons écoulé  500, un record.

 

Portal Afro – Vous êtes devenu très célèbre. Comment avez-vous commencé à construire vos relations?

Dep. Adalberto Camargo – Il y a eu plusieurs étapes. Il y avait Abraão Cachoeira, qui était mandataire de plusieurs agences  Ford de l’intérieur de l’État et il vendait également les voitures dans la capitale. Il bougeait beaucoup et il était très connu, un leader sur le marché. Il m’a appelé pour être son  associé. L’un achetait et l’autre vendait et on partageait le bénéfice. Je ne sais pas si le bénéfice était bien partagé, mais j’ai travaillé une année avec lui.
Quand j’ai décidé d’installer le magasin sur Marques de Itu, je l’ai invité  pour être mon associé, mais il m’a dit ceci: “Non. Allez-y tout seul, car vous avez appris le travail. Vous avez été à bonne école, mais vous coûtez trop cher. Maintenant, vous devez en profiter”. Je lui ai répondu: “Je ne coûte pas cher, Abrão. Je vous dois beaucoup. Vous m’avez fait confiance et vous m’avez invité à être votre associé. Je vivais dans une cave et j’ai gagné plus que vous pensez”. Grâce à cette relation avec lui, j’ai connu beaucoup de millionnaires. Je pense que l’industrie du relationnel, lorsqu’il est pur, spontané et social est très important. Personne n’arrive à rien tout seul. Grâce à cette relation, j’ai ouvert le premier magasin, je suis devenu le plus grand vendeur d’automobiles au Brésil à l’époque.

 

Portal Afro – Combien d’automobiles êtes vous parvenu à vendre?

Dep. Adalberto Camargo – Près de 43 000.

 

Portal Afro – De nombreuses concessions d’automobiles vous appartenaient. Quelle était votre stratégie sur ce marché?

Dep. Adalberto Camargo – La première concession s’appelait A. Camargo Despachante, sur  Marques de Itu. La deuxième  Bambú Automóveis. Je me suis enregistré au DET en tant que transitaire, mais, comme je ne m’y connaissais pas dans ce service, j’ai fait appel à José Pires, un transitaire. Je payais le service, lui il exécutait et je gagnais la commission. Je me suis fait connaitre et j’ai commencé à fréquenter un nombre important de personnes de la société. Mais j’avais quelque chose de particulier: je notais les coordonnées de chaque personne qui venait au magasin, qu’elle achète ou non une voiture. À la fin de l’année, dans la mesure du possible, j’envoyais une carte de bonnes fêtes. C’était un traitement différencié. Ainsi, j’ai fait connaitre mon nom dans les classes moyenne et moyenne haute, consommatrices d’automobiles.

 

Portal Afro – Pourquoi avez vous choisi le marché de l’automobile?

Dep. Adalberto Camargo – L’automobile était un moyen de représentation sociale. J’utilisais alors  une série de stratégies pour convaincre les clients. Je suis en train de recueillir les donnés et des notes pour écrire un livre destiné aux prochaines générations.

 

Portal Afro – Qu’est ce qui a motivé votre voyage aux  EUA, dans les années  50?

Dep. Adalberto Camargo – Peu après la guerre, il y a eu une loi très restrictive qui réglementait l’importation d’automobiles. Mais, celui qui voyageait en dehors du Pays ou venait rendre visite au Brésil avait le droit de faire venir son auto, parmi ses biens personnels. Je vendais des véhicules que d’autres importaient. C’est ainsi que, en 56 je  suis allé aux USA pour les amener directement. À l’époque,  il y avait 25 000 domestiques noires qui travaillaient aux États-Unis.
En 57, j’en ai détecté quelques unes et j’ai pris un intermédiaire pour établir les contacts. Je suis resté  90 jours là bas et j’ai réussi à faire venir mes 500 premières et c’est ainsi que je suis devenu un vendeur notable.

 

Portal Afro – Est-ce de cette manière que vous avez conquis la célébrité?

Dep. Adalberto Camargo -  Tavares de Miranda, célèbre chroniqueur  social à São Paulo, m’aimait beaucoup et donnait chaque fois des infos sur mes activités. À Rio, Didú Souza Campos, chroniqueur  de society carioca donnait toujours des nouvelles de mes aventures dans les affaires. Je vivais ici à  São Paulo et également à  Rio.

 

Portal Afro – Grâce aux média,  a-t-il été plus facile d’augmenter autant votre clientèle que votre carnet d’adresses. Est-ce ainsi que vous êtes devenu politicien?

Dep. Adalberto Camargo – J’étais déjà  un politicien né. ‘L’être humain est un être politique. Je n’avais simplement pas d’activité partisane. J’ai agrandi mon cercle relationnel ainsi que ma clientèle. J’ai commencé à vendre des voitures aux revendeurs de  Bahia, de Pernambuco, de Rio Grande do Sul, de Minas Gerais. Avant d’être député, j’étais déjà connu dans tout le Brésil.

 

POLTICIENS FORMENT D’AUTRES POLITICIENS

 

Portal Afro – Peut-on dire que la vente des automobiles  a constitué la sédimentation de votre trajectoire politique?

Dep. Adalberto Camargo – C’est cela même. Je pensais déjà à devenir  un homme public. J’ai compris et je comprends toujours que nous devons, grâce  au pouvoir politique, aller chercher nos origines. C’est pour cela que je suis allé les chercher en Afrique, car l’arbre sans racine ne donne pas de fruits.  J’ai compris que nous devions avoir le pouvoir politique pour changer l’histoire et nous situer dans une hiérarchie sociale, à tous les niveaux du pouvoir. Je suis arrivé à la conclusion que je devrais chercher à obtenir une charge de représentation politique.

 

Portal Afro – Cela a t’il un lien direct avec les films que vous regardiez à Araraquara?


Dep. Adalberto Camargo – C’est ainsi que je suis entré dans la vie publique, je me suis engagé à promouvoir le rapprochement entre le Brésil et l’Afrique. C’étaient les années 60, quand la plupart des pays africains sont devenus indépendants. Je vois le continent africain comme un grand consommateur, idéal pour l’écoulement  de notre production. Et celui qui veut vendre aux parents doit bien traiter les fils. Si le Brésil souhaite générer des ressources, des devises en Afrique, il doit ouvrir l’espace du marché du travail à  la communauté noire, qui est en train de se préparer. C’est ainsi qu’on pourra l’engager (la communauté noire) dans le processus socio-psychologique, dans les milieux de production, dans le développement du Pays.

 

 

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