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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
25 juin 2014

Adilson José Moreira:'Au Brésil, on se dit que les noirs sont inférieurs par nature, on développe l'idée d'un racisme recréatif'

MARINA ROSSI

Pour le chercheur, un des plus grands problèmes du racisme c'est la considération  “récréative” qu'on lui donne.

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Adilson José Moreira, professeur de Droit à la Fondation Getúlio Vargas a présenté l'an dernier sa thèse de Doctorat en droit à Harvard Law School sur la question raciale au Brésil. Sa conclusion académique va droit au but. “Le racisme est un système de domination sociale et son objectif a toujours été le même : garantir l'hégémonie du groupe racial dominant ”, indique-t-il dans une interview accordée à EL PAÍS. “Au Brésil, on  développe l'idée d'un racisme recréatif ”, dit il en parlant des cas de préjugé racial dans le football par exemple. Sa thèse expose un pays dominé par l'hégémonie blanche, plein de préjugés et très éloigné d'une véritable égalité raciale, même si des efforts sont faits pour changer ce cadre. “La perception est que le pays a progressé, notamment avec diverses politiques qui font la promotion de la répartition du revenu, comme la Bolsa Família, mais ces politiques n'ont pas encore réussi à promouvoir l'inclusion sociale de la femme noire”, explique-t-il. Pour Moreira, la justice raciale est directement liée à la justice de genre. “Sans cela, nous n'arriverons jamais à atteindre la justice raciale ”.

Question. Vous êtes en faveur de l'implémentation de quotas raciaux au Brésil, qui privilégient l'accès des noirs aux universités et aux emplois publics. Pourquoi?

Réponse. Je suis favorable aux actions affirmative et spécifiquement, aux quotas raciaux pour plusieurs raisons. Nous vivons dans une société racialement stratifiée. La population des afrodescendants subit tout type de discrimination et d'exclusion sociale. Les actions affirmatives dans les universités publiques ne constituent pas l'unique manière de promouvoir l'intégration et la justice raciale, mais elles sont un moyen, reconnu par les tribunaux brésiliens. Avant 2002, moins de 2% des étudiants des universités publiques étaient des noirs. Après les quotas, ce pourcentage a augmenté de manière significative, mais il reste encore inférieur à 15%.

Q. Les quotas ne sont pas une mesure palliative?

R. Le racisme n'est pas seulement un comportement individuel. C'est un système de domination sociale et son objectif a toujours été le même : garantir l'hégémonie du groupe racial dominant. C'est pour cela que des politiques publiques sont nécessaires. Il faut un processus de formation des professeurs qui les rend capables de traiter la question raciale dans la salle de classe. Il faut promouvoir l'éducation culturelle du peuple brésilien, au sujet de l'histoire du Brésil, de l'Afrique et de la population noire au Brésil.

Q. Ce changemenet a déjà commencé à se produire ou sommes-nous encore loin de cela ?

R. Que disent ceux qui s'opposent aux actions affirmatives et aux quotas? Qu'il faut créer une école publique de qualité. Ce n'est pas suffisant, car la stratification raciale n'est pas seulement le produit d'une question de classe. Les politiques sociales doivent traiter spécifiquement du problème de la femme noire, par exemple, qui est le groupe le plus discriminé, vilipendé qui existe dans notre société. La perception est que le pays a progressé, notamment avec diverses politiques qui font la promotion de la répartition du revenu, comme la Bolsa Família, mais ces politiques n'ont pas encore réussi à promouvoir l'inclusion sociale de la femme noire. La lutte contre le racisme est aussi contre le sexisme, car la femme noire gagne jusqu'à 75% de moins que l'homme blanc.

Q. Quel estl e rôle du ministre Joaquim Barbosa dans ce contexte de démocratie raciale ?

R. Quand on voit un nombre de plus en plus grand de personnes noires occupant des rôles prépondérants, cela réveille en les jeunes noirs l'idées selon laquelle eux auxxi pourront aller quelque part. Un autre élément important est le rôle du Tribunal Suprême dans la discussion sur la question raciale au Brésil. On a eu pendant prêt de 50, 60 ans un discours officiel basé sur l'idée que le Brésil est un pays qui a réussi à transcender la question raciale. La décision du TSF [de soutenir ] les actions affirmatives a une très grande importance car c'est la première fois que la cour suprême rejette cette image falsifiée de la réalité du pays

 

Q. Et que doit-il encore se passer au Brésil?

R. Beaucopu de choses (rires). Nous devons avoir un débat public sur les inégalités en général au Brésil. Et cela a déjà commencé dans les années 90, lorsque les mouvements sociaux ont commencé à mettre la pression sur le Gouvernement et à aller devant les tribunaux, pour demander la protection juridique. L'implémentation des lois d'inclusion et les programmes d'action affirmative sont le produit de cette organisation des mouvements sociaux. Aujourd'hui, après 10 années de ces politiques, il y a déjà un nombre significatif d'hommes et de femmes insérés dans le marché du travail . De la même manière qu'il est important que nous ayons des femmes qui prennent part à la prise de décisions qui affectent les femmes, il faut des noirs pour prendre des décisions qui affectent la population noire.

Q. Et pourquoi  y a-t-il tant de cas de racisme dans le football ?

R. Au Brésil, nous avons l'idée selon laquelle les noirs sont par nature inférieurs, alors ils  peuvent avoir accès aux mêmes espaces que les blancs, mais toujours dans une condition subordonnée. Nous avons développé cette idée d'un racisme récréatif, donc les gens ne voient pas le racisme ou le sexisme ou l'homophobie comme une offense, comme une atteinte à la dignité des personnes, ils estiment que  c'est vraiment quelque chose de drôle , qu'on peut arriver devant n'importe qui et le traiter de singe, d'homo ou de cerf et que cela ne représente aucun animus de violence. L'idée selon laquelle on peut aller sur un terrain de foot, jeter une banane ou traiter quelqu'un de nègre, singe ou pédé et qu'il n y a pas de problème avec ça.

 

http://brasil.elpais.com/brasil/2014/06/21/politica/1403380855_900715.html
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