Le tchip dans la diaspora noire du Surinam
PAR PETER JORDENS.
Récemment, j'ai discuté avec quelqu'un qui était ici (au Surinam) en vacances pour la première fois , et on parlait de choses typiques du Surinam. À un moment, le touriste m'a demandé ce que c'était cette que faisaient les Surinamiens. Au départ, je n'ai pas comprins de quoi il parlait, jusqu'à ce qu'il dise: '' le truc qu'ils font avec leurs lèvres , une sorte de geste que l'on fait pour embrasser, qui produit un bruit de succion bizzare. " Le brave voulait évidemment parler du tsuip/tchip. ''car'', poursuivait-il, " je pense que c'est un truc typiquement Surinamien . "
J'ai poursuivi ma discussion avec lui en lui disant que le tchip n'existe pas seulement au Surinam. Il a tout de même dit qu'il le considérait comme une expression charmante et distinctive qu'il n'avait remarqué que chez les Surinamais.
Après cette conversation, je ne pouvais que revenir sur ce sujet. Je me suis posé la question de savoir si le tchip constituait une caractéristique positive de notre culture ou plutôt une qualité négative que nous devrions moins afficher.
J'en suis finalement arrivé à la conclusion que le tchip est véritablement une charmante expression que nous utilisons quand quelque chose nous fâche. J'étais assis récemment dans la salle d'attente d'un spécialiste à l'Hôpital universitaire - et vous savez combien le temps que ça prend : que vous ayez ou non un rendez-vous, vous attendrez entre deux et quatre heures.
Bref, après avoir attendu pendant une heure et demie, une de mes amies m'a appelé. "Tu n'as toujours pas été servi? " Je lui ai répondu que j'attendais toujours . Au bout de la ligne, j'ai tout de suite entendu un gros tchip. Juste un tchip.
Non pas un ''franchement, c'est terrible que tu sois obligé d'attendre aussi longtemps " , pas de "Désolé pour toi " et autres . Juste un tchip, qui a communiqué plusieurs messages en même temps sans qu'aucun mot ne soit nécessaire. Le tchip exprimait son mécontement du fait que je devais attendre si longtemps, était emprunt de compassion pour ma souffrance, et cela me confirmait également que le rendez-vous que mon amie et moi avions planifié pour plus tard cet après-midi allait probablement être annulé, ce qui la dérangeait. N'est-ce pas formidable qu'un seul son puisse exprimer plusieurs choses à la fois et de manière si claire?
Quand vous vous trouvez à la banque et que le guichet devant lequel vous vous êtes ferme subitement alors qu'il y a une longue file de personnes qui attendent, un tchip sera probablement le seul moyen, en fait la seule façon efficace d'exprimer votre insatisfaction. Quand vous devez payer à la caisse et que vous constatez que vous avez oublié votre porte-monnaie dans la voiture, le tchip vous permet de bien vous soulager (je parle du votre, et non de celui fait par le caissier, car celui-ci fera certainement un tchip quand vous lui annoncerez que vous n'avez pas votre porte-monnaie ) .
Au bureau, un collègue mâle à moi avait l'habitude d'aller aux toilettes des hommes à un certain moment de la journée pour ''faire la grosse commission''. " Un jour, je devais également y aller, ce qui veut dire que j'ocupais la toilette des hommes précisément au moment même où mon collègue voulait l'utiliser. Alors que j'étais assis sur la toilette, la poignée a tourné, mon collègue s'est rendu compte que le cabinet était occupé, et la seule réaction qu'il a eue c'était un gros tchip. Rien d'autre . Il n'a pas frappé et n'a pas demandé qui utilisait les toilettes, combien de temps ça prendrait, ou du point de vue biochimique, s'il était responsable d'utiliser les toilettes tout de suite après . Rien de tout ça. La seule chose que j'ai entendu c'est le tchip et les pas qui retournaient par la suite. Mais l'effet de ses tchips a été extrêmement efficace. La durée et la profondeur du son d'un tchip indiquent l'ampleur du mécontentement du tchipeur . Plus long est le tchip et plus profond et plus complet est son son, plus important est le mécontement du tchipeur. Les tchips de mon collègue étaient comme ça (longs et complets) et ils m'ont tellement impressionné que depuis lors, je n'utilise la toilette des hommes qu'à la fermetture.
J'ai aussi compris que le tchip est impoli . Je le comprend tout à fait. Faire un tchip à quelqu'un pour exprimer son mécontentement à l'égard de cette personne est odieux et semble même barbare. C'est certainement vrai dans ele contexte. Pourtant, il arrive que quand les clients demandent un petit service en extra dans un restaurant le garçon ait tendance à faire le tchip ouvertement. Ce qui ne se fait pas pas. Mais quand les gens font un tchip pour manifester de l'empathie envers un client ( qui peut avoir exprimé sa propre insatisfaction par rapport à quelque chose ou à quelqu'un ) , je crois que dans ce cas c'est plutôt sympa. Un étranger qui n'est pas habitué au tchip ( mais auquel on le présente comme il se doit pendant son séjour ) rigolera probablement simplement devant cette expression Surinamaise et en parlera même peut-être à d'autres personnes.
L'article original (en Néeelandais) est disponible au http://www.dwtonline.com/de-ware-tijd/2013/10/19/de-tyuri.
Traduit de l'Anglais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com