Des tracas pour les vendeurs de Jus de coco afroéquatoriens de Guayaquil
Nous sommes mercredi midi, et Léiner Ayoví est désespéré. Depuis lundi, il fait des démarches pour qu’on lui rende sa charrette dans laquelle il vendait du jus de noix de coco.
"On a fait la queue toute la journée pour obtenir un papier, et maintenant ils en demandent plus," indique le grand afrodescendant qui laisse apparaitre sa colère.
Celui-ci, avec six collègues, ont affrontés des policiers municipaux le 2 décembre dernier. La bagarre s'est terminée par la saisie de ce qu'ils considèrent comme leur source de travail.
Et c'est ce qui indigne Ayoví, qui l'an dernier avec 75 "informels", ont formé l'Association des Vendeurs Afroéquatoriens de Coco travaillant pour le développement et le bien-être de l'Équateur.
Ils ont pris cette décision après avoir écouté un discours du maire de Guayaquil, Jaime Nebot, dans lequel il exhortait les citoyens à s'organiser.
Les vendeurs de noix de coco l’ont pris au mot. Ils ont obtenu une personnalité juridique et ont conçu des cartes et confectionné des tee-shirts. Le but était de formaliser une activité qu’ils mènent depuis plusieurs années.
Ayoví en est un bel exemple. Il est né à Eloy Alfaro (Esmeraldas), il y a quatre décennies. Sa mère vivait déjà à Guayaquil, mais "comme vous le savez, avant il y avait cette coutume qui consistait à ce que les femmes aillent accoucher sur leurs terres."
A deux ans, Ayovi a quitté ses grands-parents et a accompagné sa mère de retour à la "grande ville", pour vivre à Guasmo. Là, il a terminé ses études, puis est rentré dans le monde du travail.
Son père et lui sont alors descendus dans les rues, d'abord dans son quartier, pour offrir de la glace à la noix de coco. Puis, ils ont décidé d'entrer dans le jus de ce même fruit et ils l’offrent dans la région de Bahía.
C’est là, dit-il, qu’a commencé sa lutte. "Je n'ai jamais eu des problèmes avant, mais maintenant, il y a des affrontements tous les jours", constate-t-il en détresse.
Il ya dix ans, il a été amené pour la première fois en prison. A cette époque, on a enlevé la charrette de son père, et il a réagi. Il a passé trois jours dans les cellules de la police municipale jusqu'à ce que ses parents paient l'amende.
Il ya une semaine quelque chose de semblable s'est produit ", mais cette fois, c'était différent, nous étions tous unis." Ayovi fait référence à la première fois qu'un incident se produit depuis qu’ils sont en association.
Ils ont tous réagi. Ils ont fait face avec des bâtons. Six charrettes ont été confisquées et n’ont pas été rendues avant plusieurs jours.
Malgré le pessimisme ambiant, le groupe a des projets. Julio Valencia, un afroéquatorien de Isla Trinitaria indique qu’ils veulent industrialiser le produit.
"On veut juste travailler. En réalité, pour nous, c'est un art, une culture, parce que nous perpétuons une pratique de notre race, de notre peuple", déclare Valencia, un des plus jeunes dans la corporation, se référant au jus de noix de coco.
Il raconte qu’une fois l'association créée, ils se sont présentés à la municipalité. "Avant même qu’on ne soumette le projet, on nous a dit qu'il n'y avait pas d'argent", se plaint-il.
Le groupe a reçu une formation de Afroamérica Siglo XXI . Le Ministère de l’Inclusion Économique et du Développement Social (MIES) leur a fait des propositions, " mais rien ne s'est réalisé."
Ces Afroéquatoriens affirment d’ailleurs qu’ils ont un bon produit entre les mains, la preuve étant l’augmentation des entreprises qui se consacrent à la vente du jus de noix de coco.
"Regardez à la jetée, il ya des charrettes avec ce jus. Dans les centres commerciaux il y en a également, alors pourquoi on ne nous laisse pas faire la même chose? ", demande Jaime Corozo, visiblement surpris.
L’association cherche donc désespérément un crédit. Corozo demande des opportunités. "Pourquoi ils ne nous laissent pas faire la même chose"?, répète-t-il avec insistance.
Avec l'argent, ils rêvent de créer une usine. "Mais il faut que l’on garde la ligne artisanale, sans produits chimiques", souligne-t-il.
Et de fait, Ayovi et Corozo connaissent bien ce métier auquel ils se consacrent respectivement depuis 10 et 20 ans.
Pour eux, la routine commence très tôt. Ils se lèvent à 4h00. La première chose qu’ils font, c’est de mélanger les produits de base: noix de coco et eau. Ils font venir le fruit d’Esmeraldas.
Après la préparation, ils sortent à 10h00 et travaillent jusqu’à la fin de la journée.
"Il y en pour tous les budgets, 20, 30, 40 centavos. S’ils veulent pour 10, on leur en donne aussi pour10", plaisante Ayovi, après avoir momentanément oublié ses soucis.
Il souhaite également travailler dans le centre de la ville, à la Bahía, car, expliquent-ils, ils y ont beaucoup travaillé pendant des années.
Le problème maintenant, ce sont les municipalités. Les polices métropolitaines, boucliers et matraques à la main, les empêchent d’entrer dans la zone commerciale depuis les incidents de la semaine dernière.
Pour cette raison, les 75 membres de l'association ne sont pas au travail. Ayovi dit que chaque jour qu’il ne travaille pas signifie qu’il ne ramène pas d’argent à la maison. Il a trois enfants.
Toute sa vie a été ainsi. Il explique que les jours où il vend plus, il met de l’argent de côté pour les jours où les ventes sont rares. Par conséquent, pour lui, la meilleure période de l'année, c'est l'hiver: "Avec la chaleur, les gens consomment plus."
C’est ainsi qu’entre plaintes et espoirs de s’en sortir que les membres de l’association passent leurs journées à faire des démarches. Corozo essaye toujours d’encourager le groupe, avec des plaisanteries. Mais ses compagnons ne sont pas d’humeur à papoter. Ils sont peu optimistes.
Même si Ayovi précise: "C'est la dernière fois que ça arrive, je ne vais plus laisser qu’on me prenne ma charrette."
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Traduit de l'Espagnol Par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com