Luiza Bairros, Directrice du Sepromi :‘‘le racisme est une question de pouvoir’’
Patrícia Negrão / Foto divulgação
L'une des leaders les plus respectées en matière de lutte contre la discrimination raciale, la sociologue Luiza Bairros a pris ses fonctions au Secrétariat de la promotion de l'égalité (Sepromi) de Bahia en 2008. Créé en Décembre 2006, le Sepromi dont le siège est situé à Salvador est le tout premier secrétariat d’un état Brésilien à travailler spécifiquement sur les politiques publiques en faveur des hommes et des femmes noir(e)s.
Faire reconnaître et combattre les inégalités est le défi de Luiza Bairros , la Gaucho, qui vit dans la capitale bahianaise depuis plus de deux décennies. ‘‘ le racisme reste, partout dans le monde, une question de pouvoir’’, soutient-elle. À la tête du Sepromi, Luiza et son équipe proposent et contrôlent les politiques publiques visant à assurer et à étendre les droits de la communauté noire.
Parmi les priorités du Sepromi figure la lutte contre la violence faite aux femmes, la création pour les hommes et les femmes noirs de projets générateurs des revenus dans les zones urbaines et rurales, et la régularisation et l’octroi de titres de propriété pour les communautés quilombolas ainsi que leur inclusion dans les programmes gouvernementaux, assurer l’accès à des service tels que l'eau , la lumière, et l'éducation, la santé, la culture, le sport et les loisirs.
CLAUDIA - La création d'un secrétariat tel que le Sepromi est-elle le résultat de la lutte du mouvement noir dans le pays?
Luiza -- La résurgence des mouvements noirs à partir de la moitié des années 70 a conduit à ce que la lutte contre le racisme devienne une question nationale. Surtout au cours de la dernière décennie, on peut citer plusieurs actions affirmatives dans le secteur d’intervention du gouvernement en faveur de la population noire comme la création du système de quotas dans les universités brésiliennes et la création du Secrétariat Spécial de Politiques de Promotion de l’Égalité Raciale (SEPPIR), qui a favorisé l'émergence d'organes d'État tels que le Sepromi, et aussi municipales. On peut également souligner la promulgation de la loi rendant obligatoire l'enseignement de l'histoire des noirs et des populations indigènes dans les écoles brésiliennes. En matière de santé, des programmes spécifiques ont été adoptés pour la santé de la population noire, un combat de longue date du mouvement. En Mai 2009, le Ministère de la Santé a établi la Politique Nationale de Santé Intégrale de la Population Noire.
CLAUDIA - Le pays est-il moins raciste?
Luiza -- Le racisme est un phénomène élastique. Dans la mesure où lorsque des victoires sont acquises d’une part, il se transforme et se manifeste de nouvelles façons. Les Noirs sont majoritaires dans le pays et leur donner des pouvoirs peut signifier un renversement majeur de la distribution du pouvoir, aujourd'hui exercé par les Blancs. Et personne ne lâche le pouvoir de grâce. Les secteurs conservateurs de la société luttent pour éviter que cela se produise. C’est la raison pour laquelle j’affirme que le racisme est une question de pouvoir.
CLAUDIA – Le racisme crée-t-il des privilèges pour un groupe au détriment de l'autre?
La supériorité d'un groupe par rapport à un autre est établie à partir des différences physiques - des traits corporels, la couleur de la peau –, en infériorisant et en stigmatisant les noirs dans le cas du racisme anti-noirs. Il existe des moyens sophistiqués d’empêcher les Noirs d'atteindre des postes de prestige, comme des positions politiques et économiques. On ne permet donc pas qu’ici émergent des personnalités comme Barack Obama (président des États-Unis).
CLAUDIA - Quelle est l'importance de la création d'un organisme tel que le Sepromi dans la lutte contre le racisme?
Luiza -- Le rôle des secrétariats spéciaux comme le Sepromi est de responsabiliser l’État pour qu’il adopte des politiques publiques en faveur des femmes et les hommes noirs du pays. Je crois que la création des secrétariats dans les États et dans les municipalités produira avec le temps des changements efficaces. Mais la résistance reste très importante au déploiement effectif des politiques publiques déjà conquises.
Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga