Adalberto Camargo le Premier Député Fédéral Noir pour São Paulo se raconte (II)
Edition: Antonio Lucio / Oswaldo Faustino
Collaboration et Copy desk: Izabel Cristina R. de Jesus
Texte final: Oswaldo Faustino
Traduction de Guy Everard Mbarga
Premier Député Fédéral Noir pour São Paulo dans les années 60, il a survécu à une enfance marquée par l’absence de ses parents, à l’intérieur de l’État, et la dureté des plus petits boulots, lorsqu’il s’en alla pour la capitale pauliste, avant de devenir un homme d’affaires à succès. Homme politique conscient de son rôle dans le processus de conquête socio-économique des communautés noires, brésilienne et mondiale, il encouragea le rapprochement du Brésil avec le Continent Africain. Adalberto Camargo nous raconte son histoire, une saga victorieuse.
Portal Afro – Au-delà de l’Afrique, quels autres objectifs visait votre projet politique?
Dep. Adalberto Camargo – L’Afrique a été le premier thème de mon projet politique. J’ai par la suite également compris la nécessité de l’engagement de la femme noire dans le processus politique. J’ai donc également introduit l’ascension de la femme noire dans ce projet. Ainsi que la formation de la jeunesse noire, pour encourager la communauté à participer au secteur économique des affaires. Lors de ma première mission d’affaire sur le Continent Africain, j’ai emmené 10 noirs en Afrique pour visiter neuf pays. Lors de la seconde, j’en ai emmené 10 de plus, puis 60. Je visais l’intérêt du Brésil comme un tout. À l’époque, le gouvernement m’a demandé quel était mon intention. J’ai répondu que nous devions avoir une représentativité au niveau de l’Afrique pour pouvoir agrandir notre marché de consommation. Nous pouvons concurrencer les européens fournisseurs traditionnels de l’Afrique. J’ai dis que nous avions besoin de bourses d’études. Le gouvernement m’en accorda 3000 pendant une période, et je les ai distribuées à la communauté, aux personnes qui étaient les plus proches de moi.
Portal Afro – Des bourses d’études?
Dep. Adalberto Camargo - Oui, des bourses universitaires. Beaucoup se sont formés grâce à l’obtention de ses bourses. Certains ne le disent peut être pas pour s’auto affirmer tout seuls. Mais c’est sans intérêt pour moi. Ce qui compte c’est ce que j’ai fait. Il y a un cas intéressant : j’avais un ami Hamilton Cardoso, un grand journaliste qui était de gauche. Nous nous sommes rencontrés et il m’a dit: “Écoutez Monsieur le député, je suis de gauche, mais j’ai besoin d’une bourse d’étude”. J’ai été franc avec lui. Il était de l’extrême gauche, il savait exposer ses points de vue pour atteindre ses objectifs. Je lui ai dit: “Je vais vous obtenir la bourse d’études. Mais cela ne veut pas dire que vous devez suivre ma ligne idéologique. Vous devez seulement suivre la vôtre. Chercher, au travers de votre propre ligne idéologique, à travailler en vue d’honorer notre race. À quelque endroit que vous soyez, faites honneur à notre race, soyez au top”. Il y a beaucoup de gens qui ont témoigné de ma façon d’agir. Comme je me ressentais de ne pas avoir (eu) un père ou une mère pour me guider, je cherchais toujours à écouter les gens. Surtout, ceux qui étaient plus âgés, qui avaient plus d’expérience que moi.
Portal Afro – Cette pratique a-t-elle plus tard assuré le succès de votre première candidature?
Dep. Adalberto Camargo - Oui, cela a garanti le résultat de ma première élection. Et non seulement la mienne, mais également celle de la Professeure Theodosina Ribeiro qui a d’ailleurs rendu un grand service à la Nation. Sans aucune expérience politique, elle fut élue conseillère à São Paulo, avec un vote seulement dépassé par le journaliste Freitas Nobre. Elle fut la deuxième personne la plus votée par les paulistains. Elle est devenue une référence et une source d’encouragement pour notre race. Après elle, d’autres femmes se sont engagées dans la vie publique. Et Paulo Rui de Oliveira, un autre grand batailleur, comme conseiller et comme président du Conseil Municipal de São Paulo. Il fut le premier politicien noir à présider le pouvoir législatif de la ville. Paulo Rui a embrassé nos idées, avec Ronaldo Batista, Laércio de Moraes, Walter Nascimento. Je leur disais: “Nous pouvons gagner l’élection, car nous allons bénéficier des résultats de ceux qui nous ont précédé dans la lutte pour une charge représentative”.
Portal Afro – Malgré les divergences politiques, il existerait un courant politique des noirs paulistains?
Dep. Adalberto Camargo – On peut dire que oui. Il y avait Francisco Lucrécio, Raul Joviano do Amaral, Eduardo de Oliveira, qui fut candidat au conseil avant moi, Ademar Ferreira da Silva, qui a posé sa candidature à la députation fédérale, la Professeure Sofia, Leite, Seu Roque. Correia Leite fut un grand politicien. José Pelegrini discutait et débattait pas mal. À mesure qu’ils essayaient d’obtenir l’engagement des noirs dans le processus politique-partisan - électoral, ils ont permis de faire murir l’idée selon laquelle notre communauté manquait de représentations politiques. Ils ont beaucoup aidé. Geraldo Rodrigues dos Santos fut élu député fédéral pour Santos. Il était communiste, et ses droits politiques ont été révoqués et il a dû s’exiler. Et Esmeraldo Tarquínio, un avocat spécialiste du Droit des Douanes. Il fut conseiller à Santos, puis député de l’état et il fut élu comme premier préfet noir de Santos. Moi je suis entré dans le bal en 66. J’ai réussi à catalyser le produit engendré par la réflexion de tous ceux qui furent candidats avant moi Frederico Penteado Junior et quelques autres. Ils ont tous contribué en subsides et en encouragement pour que l’on puisse rassembler la communauté électorale noire. Le pouvoir politique est là pour garantir la représentation, ainsi que la structure socio-économique du Pays à la construction duquel nous contribuons.
TEMPOS E CONTRATEMPOS
Portal Afro – Racontez-nous l’histoire avec le politicien qui vous a incité à devenir député?
Dep. Adalberto Camargo - En 1956, je lavais les voitures sur la Rue Major Sertório et je voulais devenir vendeur d’automobiles. Il fallait que j’obtienne un permis de conduire. J’ai demandé mon acte de naissance et je l’ai emmené chez le mandataire Walter Selega, dont le bureau existe jusqu’à présent. J’ai demandé à Walter Durão de faire la demande pour moi pour que je puisse aller dans les Services sociaux faire tirer ma carte d’identité. Pendant qu’il faisait la demande, le député Arlindo Maia Lello qui avait une très forte représentation à l’époque est arrivé dans le bureau. Tout le monde l’a donc entouré quand il est entré. J’étais serré dans un coin, en attendant ma demande. Il m’a aperçu et il a pensé que je détonais dans ce cadre. Il sauta par-dessus le comptoir, arracha le papier de la machine de Durão et le déchira en disant : “Pourquoi le noir veut une carte d’identité?”
Portal Afro – À ce moment là vous êtes vous souvenus du conseil de Tia Catina?
Dep. Adalberto Camargo – J’étais serein. Après cette scène, la réception a pris fin, le député est parti et tout le monde s’est dispersé. Je l’ai rencontré par la suite et il m’a demandé s’il m’avait blessé. Je lui ai répondu: “Non. Monsieur, vous ne m’avez pas blessé, non”. J’ai soudainement donné un coup sur la table du bar, il a pris peur et je lui ai dis : “Un de ces jours je serai député fédéral”. Je me suis fait cette promesse à ce moment là. J’ai donc organisé ma structure sociale et relationnelle, pour démontrer ce que je pouvais faire pour la société. En 1966, j’ai récolté tous les efforts de ceux qui m’ont précédé et j’ai été élu député fédéral. Nous représentions 45% de la force électorale et nous n’avions aucun représentant au niveau national. J’ai été le premier pour São Paulo.
Portal Afro – Vous avez été élu Député Fédéral avec combien de votes?
Dep. Adalberto Camargo – Plus de 17 000 votes. Après, Theodosina a été élue conseillère avec 21 000. Puis est venue ma réélection avec 41 000 votes. Le certificat est là sur le mur. Après cela, en 1974, j’ai obtenu 90 000 votes. En 78, quand je suis arrivé à mon quatrième mandat, j’étais déjà combattu électoralement par une partie de la société électorale. Mais j’avais déjà engendré beaucoup de choses.
Portal Afro – Que saviez-vous des lois, du processus législatif?
Dep. Adalberto Camargo – Quand j’ai travaillé dans les automobiles, à Rio de Janeiro, chaque fois que je pouvais, je passais par le Palais Tiradentes et j’écoutais les discours des députés. C’est ainsi que j’apprenais. Dans le Législatif, j’avais plusieurs amis, comme Arnaldo Cerdeira et Ulisses Guimarães, qui étaient liés à un grand nombre de mes clients. Après mon élection en tant que député fédéral, j’ai cherché à me faire conseiller par des personnes qui connaissaient le processus législatif, comme Orlando Costa, un noir qui était déjà conseiller de la Casa, et Saturnino de Oliveira, qui m’ont apporté le soutien initial dans ma vie législative. Pendant deux ans, j’ai appris et fait connaissance avec les méandres du Congrès National. J’ai été membre des Commissions des Transports et des Relations Extérieures et suppléant de la Commission de la Justice pour apprendre un peu sur l’élaboration des lois, la Constitution, le Règlement Interne et d’autres structures juridiques.
Portal Afro – Votre élection a prouvé qu’avec un grand engagement, on peut y arriver…
Dep. Adalberto Camargo – Effectivement. Au cours de mon premier mandat, il y a eu un “réveil” des noirs pour la politique. J’ai lancé Theodosina pour le poste de conseillère pour São Paulo et plus de 40 candidats noirs dans l’intérieur de l’État, comme Laércio de Moraes, Genésio Arruda à Carapicuíba, Maria Helena Ferraz, à Bauru, José Camargo, à Araraquara, et beaucoup d’autres qui ont essayé d’emprunter le chemin politique.
Portal Afro – Et qui vous guidait dans ce chemin?
Dep. Adalberto Camargo – J’ai beaucoup appris aux côtés d’un grand juriste noir, Paulo Lauro, le premier préfet de notre race à São Paulo. Il m’orientait. J’ai toujours cherché à apprendre. On apprend sans cesse. Et on le transmet à celui qui y trouve de l’intérêt. Celui qui n’y trouve pas d’intérêt, on ne lui transmet pas. Je ne parle pas comme un perroquet, car je ne je ne prends pas les devants.
Portal Afro – Vous avez également cherché des expériences au niveau international.
Dep. Adalberto Camargo – J’ai rencontré Samora Machel, du Mozambique, Julius Nyerere, de la Tanzanie, Houphouët Boigny, de la Côte d’Ivoire, Idi Amin de l’Ouganda, Kenneth Kaunda de Zambie, Léopold Senghor du Sénégal pour m’informer de l’évolution du processus d’indépendance de ces pays, en Afrique.
Ce sont des références pour nous, descendants d’africains dans la diaspora. Connaître leurs expériences peut aider la communauté afrobrésilienne dans la conquête d’une meilleure place dans la société. .Quand j’ai parlé en Afrique, je suis devenu la risée de la presse. Ils se sont fatigués de dire que j’allais chercher Tarzan. Mais l’Afrique, c’est 700 millions de consommateurs de produits et services. C’est un grand marché pour le Brésil. Aujourd’hui, ce continent représente 12 milliards de dollars dans le commerce bilatéral, il peut offrir plus 100 000 emplois et permettre la valorisation des noirs dans le milieu d’affaires brésilien.
Portal Afro – Y t’il eut d’autres contacts de hauts niveaux comme ceux là?
Dep. Adalberto Camargo – J’ai également discuté avec des afro-américains aux USA et ici au Brésil. J’ai reçu chez moi celui qui était alors président du Parti Démocrate américain et Secrétaire du Commerce du Gouvernement, Bill Clinton. Il y avait là plus de 30 noirs, parmi lesquels Eduardo Joaquim de Oliveira, Celso Pitta qui à l’époque était le Secrétaire aux Finances de la Municipalité de São Paulo, Hélio Santos et d’autres qui se sont joints plus tard aux conversations sur la relation commerciale entre les afrobrésiliens et les afroaméricains initiées au cours de cette réunion.
Portal Afro – Quelles sont vos attentes en ce qui concerne les conquêtes politiques de la communauté?
Dep. Adalberto Camargo – Mes attentes sont des plus positives possibles. Quand j’ai commencé, nous n’avions pas de représentativité. Aujourd’hui, il y a plus de 50 000 noirs formés, dans les secteurs les plus variés de la société, qui attendent une opportunité et la reconnaissance de leur valeur. Nous avons des docteurs, des ingénieurs, des psychologues, des dentistes, des professeurs, des avocats, des journalistes, des économistes et autant d’autres professionnels. On doit arrêter de parler de l’esclavage, de rester dans les pleurnicheries, à se lamenter sur le passé. Nous devons nous battre, participer et nous intégrer au processus politique pour le développement du Pays, en s’asseyant à la table des grandes décisions nationales. Aujourd’hui, le Brésil a des ministres et des membres de notre race, dans les plus grandes sphères du gouvernement.
Portal Afro – Attendez-vous plus encore?
Dep. Adalberto Camargo – C’est évident. La vie est dynamique, elle n’est pas statique. Le temps de “moi tout seul” est passé. Il y a eu une ascension politique, avec les élections de Carlos Santos au gouvernement de Rio Grande do Sul, de la première sénatrice noire, la docteure bahianaise, qui est enracinée dans l’État de l’ Acre, Laélia Alcântara, de Wagner Nascimento, à la préfecture de Uberaba, de Alceu Collares, à la préfecture de Porto Alegre et au Gouvernement du Rio Grande do Sul, de Abdias do Nascimento, député fédéral et sénateur pour Rio de Janeiro, de João Alves, au gouvernement de Sergipe, de Benedita da Silva, conseillère, députée fédérale , sénatrice, vice-gouverneure et gouverneure de Rio de Janeiro, de Celso Pitta, préfet de São Paulo, de Jurema Batista, conseillère et première députée de l’état à Rio de Janeiro et beaucoup d’autres qui ont surgi et se sont distingués depuis 1966. Sans compter ceux qui, parce qu’ils ont la peau un peu plus claire que la nôtre ne s’assument pas en tant que noirs. Nous devons à présent passer à des actions qui donnent des résultats plus importants.
Portal Afro – Ce que vous diriez aux noirs c’est de présenter leurs candidatures aux charges publiques ?
Dep. Adalberto Camargo – Sans pouvoir politique, l’histoire ne change pas. Nous avons besoin de leaders qui ne sont pas éblouis par les charges qu’ils exercent pour acquérir encore plus d’expérience. Mais il ne suffit pas de faire acte de candidature. Il faut s’imprégner du processus historique brésilien tel qu’il s’est déroulé jusqu’ici, avoir un projet avec des objectifs à atteindre et bien se faire conseiller. La réussite personnelle dépend de la réalisation collective. Nous devons dialoguer avec d’autres communautés, nous projeter par rapport à ce qu’elles ont déjà réalisé, pour le bien commun. Ne nous préoccupons pas des grands bavardages, du papotage, les médisances et d’autres attitudes qui ne mènent à rien et qui ne font que nous faire retourner en arrière dans tous les sens.
Portal Afro – En résumé, qu’est ce qui est nécessaire pour une valorisation effective de nos populations?
Dep. Adalberto Camargo – Le respect et la reconnaissance de toutes nos valeurs, dans tous les secteurs. Savoir respecter la hiérarchie entre nous et nous former à l’usage des mécanismes nécessaires à l’organisation. On trouve des personnes compétentes parmi nous dans tous les domaines. Nous devons discuter et matérialiser nos idées, pratiquer le respect réciproque, sans nous préoccuper du niveau social de notre interlocuteur. Et travailler sérieusement, sans, sans fascinations, pour que nous puissions , chaque jour de plus, porter notre communauté sur la scène socio-économique brésilienne comme nous le souhaitons tant.